Fort reconnaissant de votre douce brise antibrisement de cœur, je souhaite aussi que votre horizon soit bien plus aéré.
Dans une ambiance assez nébuleuse, j’emprunte à Yves Bonnefoy — dont le premier ouvrage, publié en 1946, s’intitule TRAITÉ DU PIANISTE — les quatre poèmes suivants.
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« Quelle pâleur te frappe, rivière souterraine, quelle artère en toi se rompt, où l’écho retentit de ta chute ?
Ce bras que tu soulèves soudain s’ouvre, s’enflamme. Ton visage recule. Quelle brume croissante m’arrache ton regard ? Lente falaise d’ombre, frontière de la mort.
Des bras muets t’accueillent, arbres d’une autre rive. »
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« L’ÉCUME, LE RÉCIF
Solitude à ne pas gravir, que de chemins ! Robe rouge, que d’heures proches sous les arbres ! Mais adieu, dans cette aube froide, mon eau pure, Adieu malgré le cri, l’épaule, le sommeil.
Écoute, il ne faut plus ces mains qui se reprennent Comme éternellement l’écume et le rocher, Et même plus ces yeux qui se tournent vers l’ombre, Aimant mieux le sommeil encore partagé.
Il ne faut plus tenter d’unir voix et prière, Espoir et nuit, désirs de l’abîme et du port. Vois, ce n’est pas Mozart qui lutte dans ton âme, Mais le gong, contre l’arme informe de la mort.
Adieu, visage en mai. Le bleu du ciel est morne aujourd’hui, ici. Le glaive de l’indifférence de l’étoile Blesse une fois de plus la terre du dormeur. »
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« LE RAVIN
Il y a qu’une épée était engagée Dans la masse de pierre. La garde était rouillée, l’antique fer Avait rougi le flanc de la pierre grise. Et tu savais qu’il te fallait saisir À deux mains tant d’absence, et arracher À sa gangue de nuit la flamme obscure. Des mots étaient gravés dans le sang de la pierre, Ils disaient ce chemin, connaître puis mourir.
Entre dans le ravin d’absence, éloigne-toi, C’est ici en pierrailles qu’est le port. Un chant d’oiseau Te le désignera sur la nouvelle rive. »
***********************************************
« Souvent dans le silence d’un ravin J’entends (ou je désire entendre, je ne sais) Un corps tomber parmi des branches. Longue et lente Est cette chute aveugle ; que nul cri Ne vient jamais interrompre ou finir.
Je pense alors aux processions de la lumière Dans le pays sans naître ni mourir. »
Comment peut-on mourir d'un faux pas quand les doigts sont légers, si légers?
ResponderEliminarPour vous cher Hélder, une journée comme un souffle d'air, un nuage-dentelle.
Chère Colo,
ResponderEliminarFort reconnaissant de
votre douce brise
antibrisement de cœur,
je souhaite aussi que
votre horizon soit
bien plus aéré.
Dans une ambiance
assez nébuleuse,
j’emprunte à Yves Bonnefoy —
dont le premier ouvrage,
publié en 1946,
s’intitule
TRAITÉ DU PIANISTE —
les quatre poèmes suivants.
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« Quelle pâleur te frappe, rivière souterraine, quelle artère en toi se rompt, où l’écho retentit de ta chute ?
Ce bras que tu soulèves soudain s’ouvre, s’enflamme. Ton visage recule. Quelle brume croissante m’arrache ton regard ? Lente falaise d’ombre, frontière de la mort.
Des bras muets t’accueillent, arbres d’une autre rive. »
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« L’ÉCUME, LE RÉCIF
Solitude à ne pas gravir, que de chemins !
Robe rouge, que d’heures proches sous les arbres !
Mais adieu, dans cette aube froide, mon eau pure,
Adieu malgré le cri, l’épaule, le sommeil.
Écoute, il ne faut plus ces mains qui se reprennent
Comme éternellement l’écume et le rocher,
Et même plus ces yeux qui se tournent vers l’ombre,
Aimant mieux le sommeil encore partagé.
Il ne faut plus tenter d’unir voix et prière,
Espoir et nuit, désirs de l’abîme et du port.
Vois, ce n’est pas Mozart qui lutte dans ton âme,
Mais le gong, contre l’arme informe de la mort.
Adieu, visage en mai.
Le bleu du ciel est morne aujourd’hui, ici.
Le glaive de l’indifférence de l’étoile
Blesse une fois de plus la terre du dormeur. »
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« LE RAVIN
Il y a qu’une épée était engagée
Dans la masse de pierre.
La garde était rouillée, l’antique fer
Avait rougi le flanc de la pierre grise.
Et tu savais qu’il te fallait saisir
À deux mains tant d’absence, et arracher
À sa gangue de nuit la flamme obscure.
Des mots étaient gravés dans le sang de la pierre,
Ils disaient ce chemin, connaître puis mourir.
Entre dans le ravin d’absence, éloigne-toi,
C’est ici en pierrailles qu’est le port.
Un chant d’oiseau
Te le désignera sur la nouvelle rive. »
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« Souvent dans le silence d’un ravin
J’entends (ou je désire entendre, je ne sais)
Un corps tomber parmi des branches. Longue et lente
Est cette chute aveugle ; que nul cri
Ne vient jamais interrompre ou finir.
Je pense alors aux processions de la lumière
Dans le pays sans naître ni mourir. »